Interview du Prof. Ould-Abdeslam – Coordinateur du projet ASIMUTE

Le projet ASIMUTE est un projet de recherche européen multidisciplinaire qui rassemble des femmes et des hommes d’horizons divers. Leurs parcours est différent mais toutes ces personnes sont engagées pour faire avancer la recherche. Découvrons qui ils sont ainsi que leurs motivations à travers une série de mini portraits.

Pour cette première interview, le coordinateur du projet ASIMUTE, le Pr. Ould-Abdeslam, a accepté de répondre à nos questions.

Question 1 : Quel est votre parcours personnel ? Qu’est-ce qui vous a amené à embrasser une carrière scientifique ?

Coordinateur du projet : Lors de mes études techniques d’ingénieur à Tizi Ouzou, en Algérie, j’ai effectué un stage de recherches dans un laboratoire. C’est cette expérience qui m’a donné envie de faire de la recherche en automatisme, électronique et commande. À la suite de ce stage, j’ai donc commencé un cursus de Master dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la productique, ce qui m’a initié aux réseaux de neurones artificiels. Après ça, j’ai commencé un doctorat à Mulhouse, sous la direction de Jean Mercklé, dont le sujet portait sur l’intelligence artificielle appliquée aux systèmes électriques. Mais à l’époque, on était « hors sol » car on était peu nombreux à travailler sur ces sujets dans la communauté de l’automatique. On a dû redoubler d’efforts pour prouver que nos résultats avaient de la valeur.
 
Question 2 : Pourquoi avez-vous choisi ce domaine de recherches en particulier ?
 
Coordinateur du projet : Mon attrait pour le domaine est devenu évident pendant ma thèse parce que je souhaitais trouver des solutions concrètes qui auraient un impact réel sur le développement durable, la réduction de la consommation énergétique, le développement de moyens de production alternatifs afin de réduire considérablement l’empreinte carbone de l’activité humaine. À mon sens, ce domaine de recherche touche à l’aspect humain, à l’amélioration de nos sociétés, à la vie quotidienne des citoyens. Chaque solution proposée a potentiellement des applications et retombées immédiates. Et tout est à inventer.
 
Question 3 : Dans quelle mesure votre domaine de recherche est-il lié au projet ?
 
Coordinateur du projet : J’ai la chance que mes domaines de prédilection (l’intelligence artificielle et l’énergie) soient au cœur d’ASIMUTE. En tant que coordinateur du projet, j’ai eu l’opportunité de partir de ces domaines et chercher des partenaires complémentaires dans la région du Rhin supérieur dans le but de travailler sur un projet de développement durable.
 
Question 4 : Quelle(s) question(s) vous êtes-vous posé au début du projet ?
 
Coordinateur du projet : Voilà une question à laquelle je vais répondre en deux temps. En tant que porteur du projet, je me suis demandé comment faire émerger une complémentarité entre des partenaires dont les domaines de recherche sont si divers. ASIMUTE étant un projet pluridisciplinaire, on touche des sujets comme la sociologie, le juridique, la technologie mais aussi la cybersécurité. Et je souhaitais faire cohabiter ces disciplines tout en soulignant l’importance de chacune d’entre elles.
 
Et, en tant que scientifique, je me suis questionné sur l’applicabilité du projet. Par définition, la recherche implique une inconnue mais je souhaitais que nos résultats aient un impact réel et à très court terme sur les entreprises, les pouvoirs publics et les universités de la région.

Par définition, la recherche implique une inconnue mais je souhaitais que nos résultats aient un impact réel

Question 5 : À l’heure actuelle, avez-vous déjà trouvé des éléments de réponse ?
 

Coordinateur du projet : Avec le travail réalisé sur le projet précédent – le projet Smart Meter Inclusif au cours duquel nous avons développé un compteur intelligent à destination des foyers afin de les aider à optimiser leur consommation énergétique, nous avons pu récolter des données de consommation à partir de compteurs préinstallés dans plusieurs bâtiments expérimentaux. Ils nous ont permis de générer nos propres données dont le volume va s’amplifier avec le temps.

D’un point de vue sociologique, nous avons aussi de nombreuses données sur les études sociétales en cours (WP3 et WP4). En fait, nous avons récolté les réponses d’un échantillon de citoyens à travers des enquêtes sociologiques. Cela nous donne une idée de ce qui pourrait freiner l’adoption d’un dispositif intelligent au sein des foyers. Ces informations sont primordiales car elles nous permettront d’équilibrer ou revoir l’utilisation du compteur.

D’un point de vue scientifique, le work package 10 travaille sur une solution visant à optimiser l’autoconsommation des batteries des véhicules électriques. Cette solution a passé les étapes de validation des rapporteurs de « Journal of Energy Storage », un journal de publication scientifique de haut rang. L’article soumis par Hadi Mawassi, Gilles Hermann, Lhassane Idoumghar et moi-même se trouve facilement sur internet (lien).

Question 6 : Que pouvez-vous révéler de vos résultats sans nous en dire de trop ?
 
Coordinateur du projet : Jusqu’à présent, les batteries de voiture électrique n’ont pas de véritable solution de recyclage au-delà de leur utilisation initiale. Mais une équipe de l’Institut IRIMAS travaille sur le sujet car nous pensons qu’elles peuvent être réutilisées. Il nous faut d’abord trouver une solution pour rééquilibrer les cellules à l’intérieur de la batterie à l’aide de l’intelligence artificielle. Dans l’article mentionné précédemment, notre nouvelle méthode démontre que l’état de santé d’une batterie, son vieillissement au fil du temps, est en corrélation avec son état de charge. En d’autres termes : plus l’état de santé d’une batterie est avancé, moins elle est précise dans l’estimation de l’état de charge. Pour prolonger la vie d’une batterie, la corrélation entre les deux états est nécessaire.
Le coordinateur du projet ASIMUTE, devant des panneaux solaires
Question 7 : À partir de quel moment et pourquoi avez-vous commencé à travailler sur des projets liés à l’environnement ?
 
Coordinateur du projet : Cela remonte aux débuts des années 2000, lors de ma thèse. Je travaillais sur la qualité de l’énergie et plus particulièrement les harmoniques de courant pour étudier le comportement d’un réseau de neurones face à ces « pollutions » externes. Cela prouvait que ces « pollutions » faisaient vieillir les équipements plus rapidement. J’ai donc décidé d’approfondir le sujet en travaillant sur des solutions visant à réduire ces pollutions et optimiser le rendement énergétique.
 
D’un point de vue plus personnel, j’adore partir en montagne, faire des randonnées et découvrir de nouveaux paysages. Je sais que j’ai beaucoup de chance de voir et profiter de ces lieux naturels. C’est cet équilibre que je veux préserver pour les générations futures. Cela n’est possible qu’en développant des solutions innovantes abordables. Sans cela, les effets du changement climatique s’accélèreront et intensifieront les périodes de sècheresse, la famine mais aussi les déplacements de population.
 
Question 8 : Pourquoi l’optimisation énergétique est-elle importante au niveau européen ?
 
Coordinateur du projet : Tout d’abord, l’Europe possède peu de pétrole et de ressources d’énergie fossile. Il faut impérativement éviter d’exploiter ces réserves car cela entrainerait l’accélération du réchauffement climatique. En ce qui concerne les énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, leur utilisation dépend grandement des conditions météorologiques. Pour répondre à cette problématique et faire correspondre les moments de production avec ceux d’utilisation, l’Europe doit gérer l’énergie intelligemment. Et c’est bien là l’objectif du projet ASIMUTE : optimiser l’utilisation de l’énergie produite en Europe. C’est une nécessité si on veut créer une réserve énergétique pérenne et éviter des problèmes d’approvisionnement potentiels.
 
Question 9 : Y-a-t-il des projets scientifiques qui suscitent votre engouement et que vous suivez ?
 
Coordinateur du projet : Il en existe beaucoup mais je n’ai d’autre choix que de me focaliser sur une poignée d’entre eux. Tout d’abord, il y a le projet CO2Inno, coordonné par l’Université de Freiburg, qui travaille sur un laboratoire réel « Région d’innovation neutre en CO2 Rhin supérieur ». Il y a le projet Energetic, développé par l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Strasbourg, qui se penche sur l’utilisation optimale des batteries électriques. Ensuite, il y a l’INES (Institut National de l’Energie Solaire), qui développe plusieurs projets pour l’optimisation des panneaux solaires et de leur utilisation. Et enfin, le projet SuMo-Rhine (Sustainable Mobility Rhine), développé par Interreg, qui cherche à faciliter la mobilité douce dans la région du Rhin supérieur. Pour moi, ce sont des projets complémentaires à ASIMUTE car ils proposent des solutions qui auront un impact sur nos sociétés et l’environnement.
Question 10 : Comment est née l’idée de ce projet ?
 
Coordinateur du projet : À la fin du projet SMI, l’ensemble des partenaires souhaitait continuer sur cette dynamique collaborative en commençant un autre projet. Nous avions déjà établi un lien entre les compteurs intelligents et leur utilisation dans la société civile et nous voulions approfondir nos recherches sur l’autoconsommation. Nous avons donc abordé plusieurs cas de figure en nous demandant quels autres domaines pouvaient être touchés par l’autoconsommation. Et, en affinant notre réflexion, nous avons choisi de travailler sur l’autoconsommation et l’optimisation énergétique par le biais d’un compteur intelligent.
 
Question 11 : Comment avez-vous trouvé vos partenaires universitaires ?
 
Coordinateur du projet : Nous avions déjà un petit réseau de départ, basé sur l’ensemble des partenaires qui avait travaillé sur le projet SMI. Certains sont toujours présents mais d’autres ont dû partir parce qu’ils avaient d’autres engagements académiques. Comme la recherche demande beaucoup de temps et d’investissement, il ne leur était pas possible de se démultiplier. C’est donc à partir de ce noyau initial/recomposé qu’on a identifié nos nouveaux besoins puis on a contacté des partenaires en capacité de combler ceux qui nous manquaient. C’était un processus ouvert au cours duquel nous acceptions aussi les suggestions. Interreg en était conscient et nous a proposé un nouveau partenaire parfaitement en phase avec notre recherche. Et, on ne le regrette aucunement.
 
Question 12 : Avez-vous eu des difficultés à trouver des soutiens financiers sur ce projet ?
 

Coordinateur du projet : La majorité du financement du projet ASIMUTE provient de l’Union Européenne, par l’intermédiaire du programme Interreg, mais aussi la Confédération Suisse et 4 de ses cantons frontaliers (Bâle-ville, Bâle campagne, Jura et Aargau). À côté de cela, dès le début du projet, les partenaires académiques se sont engagés à financer une partie du projet et à mettre à disposition leurs plateformes et laboratoires. Cela reste un investissement. Même s’il n’est pas financier, il est important de le souligner.

Un autre financement, indirect celui-ci, provient des partenaires associés. Il n’y a pas d’aspect financier mais ils s’investissent d’une autre manière. Ils peuvent, par exemple, mettre à disposition une installation, fournir des conseils, de la participation ou des interventions.

Comme tu peux le voir, les membres du projet peuvent se réjouir de ces différentes sources d’investissement.

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